chaque chose naît dans un moule : il n’y a pas de texte sans format ni sans destinataire au moins imaginé.
il y a toujours avant le texte une idée de sa forme et de sa destination, et cette idée rend possible un texte plutôt qu’un autre.
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depuis l’école primaire j’ai écrit des choses dans un journal intime, à cette manière de confession amicale qu’il encourage.
quand j’ai eu un portable, j’ai écrit des pensées d’amour et d’amitié à la manière dense et formelle des textos.
quand j’ai commencé à prendre l’écriture au sérieux, à l’envisager avec une ambition littéraire, j’ai écrit selon les codes particuliers des romans que j’aimais.
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quand j’ai découvert les scènes où se lisent les textes à voix hautes, j’ai commencé à écrire pour l’oralité et l’engagement de ces cinq minutes au micro.
quand j’ai commencé à utiliser instagram comme moyen de me connecter à la communauté des écrivain·e·s contemporain·e·s, j’ai écrit des poèmes avec dans un coin de ma tête le format carré du post.
vous avez l’idée : chaque fois, l’espace d’expression et de réception que je choisissais aiguillait ma plume.
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j’ai pensé (selon le mythe de l’écrivain·e) que si j’avais été capable jusqu’ici de m’exprimer sous des formes aussi diverses, ce n’était que le chemin, et que ce chemin me mènerait à une destination, c’est-à-dire un phrasé singulier dans un cadre particulier, qui ferait ma légitimité d’écrivaine et donc ma carrière.
pour ce faire, il faudrait choisir : le roman, la nouvelle, ou la poésie. il faudrait choisir : la fiction, l’autofiction, la non-fiction. il faudrait choisir : entre les maisons d’éditions, entre les revues, entre les thèmes d’écriture. ce, afin d’être reconnaissable, lisible et valable.
avant tout : il faudrait choisir le livre comme support.
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je crois bien sûr à l’importance de ce travail de l’écrivain·e (dans son acceptation actuelle) qui consiste à creuser un sillon en allant toujours plus loin dans un mode d’écriture particulier (un genre, un style) sous un format particulier (le livre et surtout le roman), auprès d’une audience particulière (souvent, une certaine élite culturelle).
mais je ne suis pas sûre que ça soit la seule manière d’être écrivain·e.
je ne suis pas sûre que l’époque de mutations à laquelle nous vivons n’induise pas d’autres possibilités.
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au fil des ans, à mesure que je sens mon effort d’écriture chaque fois un peu plus assuré et naturel, je me rends compte pourtant que je ne me suis pas “rangée”, que je n’ai pas choisi, que je continue de m’aventurer dans de nouveaux espaces d’expression, en dehors du livre (comme ici, sur substack).
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à une époque où les modalités pour fabriquer de l’art et le partager se multiplient et se transforment, où le livre tel qu’on l’a connu est sans cesse contourné par de nouvelles modalités d’échanges entre les personnes qui écrivent et leur public, je crois que serai toujours tentée d’explorer de nouveaux espaces d’écriture et de partage, de nouvelles nuances de pages blanches, de m’adresser différemment à d’autres audiences.
cette liberté aura un impact chaque fois sur la forme de mes textes, qui seront ma voix s’exprimant sous de nouvelles dispositions.
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à mes yeux c’est une bonne nouvelle : beaucoup de choses sont possibles aujourd’hui et à l’avenir, selon la définition que l’on se fait du métier d’écrivain·e et de son évolution.
la preuve ici : substack, comme chaque nouvel espace d’écriture et de partage, à la fois autorise et contraint : rend possible et transforme nos écritures.
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Et vous, qu’en pensez-vous ? Comment les nouveaux espaces d’écriture et de partage influencent votre pratique et votre vision du métier d’écrivain·e ? Je serai heureuse de croiser nos perspectives.
Roses, Massimo Gardone.
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Pour moi qui écrit de courts textes, Internet a été un vecteur formidable pour être lue rapidement. Cela m'a permis de corriger et d'adapter mon style rapidement d'une histoire à l'autre.
J'accorde autant d'importance à la forme qu'au fonds. Ainsi, je décris à chaque fois le lieu, l'ambiance et le personnage. Une fois cela fait, je me sers des dialogues pour faire avancer l'histoire.
Je veux aussi qu'il y ait une chute que je dévoile dans les dernières lignes. Et parfois, j'aime que la chute ne soit pas compréhensible tout de suite , ou encore qu'on ne sache pas exactement comment l'interpréter.
Quant au lecteur, je ne vise personne en particulier.
Tu peux lire à titre d'exemple,mon texte "certains l'aiment froid" sur mon Sustack📝